Achevée en 1958 en réponse au maire de l’époque qui souhaitait que l’architecte Guillaume Gillet relève par son église la ville de Royan couchée par les bombardements de 1945, Notre-Dame, la cathédrale de béton ainsi que l’avait désignée André Malraux se refait actuellement une beauté. L’opération, décomposée en cinq tranches de travaux, prévoit, sur une période de trois ans et demi, la restauration de la façade ouest, de l’auvent, des couvertures des bas-côtés nord et sud, des terrassons, du baptistère, du portique et du maître autel.
Elle vient achever la restauration de l’édifice qui, dès sa construction, a justifié que des interventions soient menées pour lui assurer noblesse et pérennité.
Prouesse d’ingénierie soumise à l’atmosphère maritime depuis près de soixante ans, l’ouvrage est en effet fragile et nécessite toutes les attentions. Depuis son classement en 1988, plusieurs architectes en chef des Monuments historiques se sont succédés pour maintenir ses dispositions originelles. Sous la maîtrise d’ouvrage de la municipalité, c’est aujourd’hui à Philippe Villeneuve qu’il revient d’assurer la maîtrise d’œuvre de ces ambitieux travaux de mise à niveau du clos et du couvert et d’achever certaines parties non terminées au moment de la livraison de l’église.
En accord avec les services de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC), l’auvent a notamment été complété par l’ajout de vitraux mis en œuvre en partie haute dans le strict respect du dessin en trois dimensions des éléments existants. La création du portail, en remplacement de la porte provisoire, a également fait l’objet de longs échanges entre l’architecte, la conservation régionale des monuments historiques et les ayant-droits de Guillaume Gillet. Le projet d’un sas en verre transparent imaginé dans un premier temps a finalement été abandonné et a laissé place à une magnifique porte monumentale en bois, plus proche des esquisses retrouvées dans les archives du concepteur originel.
Une croix, constituée d’un assemblage de « V » similaires à ceux ayant permis à Bernard Lafaille de structurer l’église, apparaissait par ailleurs sur le permis de construire initial. Elle n’avait cependant jamais été mise en œuvre. Non prévue dans le cadre du chantier, sa fabrication et son installation en partie sommitale de l’auvent ont finalement été permises grâce au concours de l’Association de défense de l’église de Royan (l’ADER).
Mais, outre l’intérêt historique de cette opération, c’est le parti pris de restauration de certains éléments architecturaux qui marque sans doute une étape importante dans la conservation des édifices en béton hérités du mouvement Moderne et de la Reconstruction.
À l’occasion des études de maîtrise d’œuvre, un partenariat avec le Laboratoire de recherche des Monuments historiques (LRMH) a permis de définir le degré d’altération des parements et des structures, d’arrêter la juste formulation des ragréages et de préciser les protocoles d’intervention.
Cependant, au démarrage des travaux, l’entreprise chargée de restaurer les bas-côtés servant de couvertures aux contre-nefs a signalé à l’architecte en chef qu’il n’était pas possible de restaurer certaines poutres dont les altérations étaient trop importantes. Dans le cadre du contrôle scientifique et technique assuré par la DRAC et avec le concours d’un expert du tribunal administratif de Poitiers, les poutres supportant les bas-côtés ont donc été expertisées. Le remplacement complet d’une partie d’entre elles s’est alors avéré incontournable.
De la même manière, les coques formant la couverture des contre-nefs n’assuraient plus leur rôle d’étanchéité. Or, leur seule restauration n’aurait jamais permis de restituer une imperméabilité à l’eau sauf à recourir à la mise en œuvre de résines dont l’aspect n’aurait pas été compatible avec l’esthétique du béton brut qui caractérise Notre-Dame. Les acteurs du chantier ont donc décidé de remplacer la totalité de ces coques pour améliorer la formulation des bétons utilisés et recouvrir les flancs d’une chape de mortier de deux centimètres.
Ces modifications ont impliqué la reprise en sous-œuvre des poutres et coques à remplacer, celles-ci servant de contreforts à l’église. Des butons ont donc été installés temporairement pour reprendre les efforts des façades de la nef. Les couvertures des bas-côtés ont ensuite été démolies puis reconstituées dans le respect de la mise en œuvre initiale. Le béton, à base de sable coquillé, a été coulé sur fond de coffrage en sapin. Les armatures métalliques ont été renforcées. Les losanges de vitraux, qui avaient été déposés en conservation, ont été réinstallés.
De la même manière, toutes les lancettes servant de structure aux escaliers hélicoïdaux extérieurs ont été refaites à neuf, en brique recouverte d’un enduit ciment.
Cette rénovation de Notre-Dame de Royan illustre bien, probablement pour la première fois, la manière dont toutes les techniques de restauration des bétons ne suffisent plus aujourd’hui à maintenir la matière originelle et dont les acteurs du patrimoine s’entendent désormais pour remplacer, sans à aucun moment remettre en cause l’intégrité de l’ensemble de l’ouvrage, les parties les plus altérées.
Alors que plusieurs écoles se sont opposées successivement sur cette question de la restauration des bétons faisant valoir tantôt la passivation des armatures corrodées, tantôt la passivation des ciments eux-mêmes, le cas de Royan tend désormais à rapprocher les protocoles de restauration des bétons de ceux de la pierre, en acceptant le principe d’un remplacement à l’identique, à l’occasion de chaque campagne de travaux, d’une juste proposition des parements.
Maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre et entreprises travaillent aujourd’hui à l’achèvement des quatre premières tranches en vue de la réouverture de l’église pour la messe de Noël 2016. L’exceptionnel orgue de type « grand seize pieds » de facture Boisseau qui a été démonté en 2014 retrouvera quant à lui sa place sur la tribune ouest à l’issue de la cinquième et dernière phase du chantier, en 2018.